Principales conclusions

Malgré les défis que pose la comparaison des politiques et pratiques de multi/plurilinguisme dans différents contextes nationaux ou régionaux, les données comparatives présentées dans cette étude constituent une mine d’informations transnationales. Sans évoquer le degré de reconnaissance du multi/plurilinguisme, l’étude met en lumière des politiques et pratiques dans l’ensemble des 24 pays/régions participants et révèle que de nombreuses recommandations de l’Union européenne (UE) et du Conseil de l’Europe (CdE) sont respectées. Nous espérons que les décideurs politiques, les professionnels et les spécialistes sur le terrain s’appuieront à la fois sur les découvertes transnationales comparatives présentées ici et sur les détails contextuels fournis par nos chercheurs dans les profils des pays/régions dans la troisième partie de cette étude, afin d’identifier les bonnes pratiques qui pourront ensuite servir de point de départ pour un développement et un échange de savoirs. Nous résumons ci-dessous les principales conclusions concernant chacun des types de langue étudiés dans cette enquête. 

Les langues dans les textes officiels et les recensements

  • Il existe une législation sur les langues nationales et les langues régionales et minoritaires (R/M) dans presque tous les pays/régions, sur les langues étrangères dans quatorze pays/régions, et sur les langues des migrants dans seulement six pays/régions.
  • Des documents officiels présentant la politique sur la promotion des langues nationales et étrangères sont disponibles dans presque tous les pays/régions, sur les langues R/M dans 18 pays/régions, et sur les langues des migrants dans seulement quatre pays/régions.
  • La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (CELRM) a été ratifiée par le parlement dans 11 des 18 pays participants, et signée par le gouvernement en France et en Italie. En Bulgarie, en Estonie, en Grèce, en Lituanie et au Portugal, elle n’a été ni ratifiée ni signée.
  • Les pays proposant officiellement le plus grand nombre de langues R/M dans l’enseignement sont les pays de l’Europe du sud-est et de l’Europe centrale. Dans l’Europe occidentale, l’Italie et la France font figure d’exception puisque ces deux pays proposent une riche variété de langues. La CELRM ne distingue pas les concepts de langues                « régionales » ou « minoritaires », mais elle exclut clairement les langues des migrants. Dans les pays de l’Europe de l’ouest, les langues des migrants sont souvent bien plus visibles que les langues R/M, mais sont moins reconnues, protégées et/ou promues.
  • La plupart des régions/pays sont familiers avec les mécanismes officiels de collecte de données linguistiques, et la plupart d’entre eux prennent en compte trois types de langues : les langues nationales, les langues R/M et les langues des migrants. Sur 24 pays/régions, seuls cinq ne disposent d’aucun mécanisme de collecte de données linguistiques : l’Autriche, la Bosnie-Herzégovine, le Danemark, la Grèce et les Pays-Bas. Le Portugal collecte uniquement des données sur la langue nationale.
  • Il y a aussi de grandes différences entre la ou les principale(s) question(s) posée(s) dans le cadre des mécanismes officiels de collecte de données linguistiques à l’échelle d’un pays/ région. Plus de la moitié des pays/régions participants posent une question sur la langue parlée à la maison, alors que les autres s’enquièrent de la langue principale et/ou maternelle.

Les langues dans l’enseignement pré-primaire

Pour en savoir plus

  • La plupart des documents de l’UE et du Conseil de ’Europe soulignent l’importance d’un apprentissage précoce des langues. Au niveau de l’enseignement pré-primaire, 14 des 24 pays/régions participants prévoient un soutien à l’apprentissage de la langue nationale pour tous les enfants financé par l’État. Les Pays-Bas et l’Ukraine sont les pays y consacrant le plus de temps.
  • Sept pays/régions ont pris des dispositions en faveur des langues étrangères à ce niveau: la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Catalogne, l’Espagne, l’Estonie, le Pays-Basque et l’Ukraine, bien que le financement puisse y être partiellement ou totalement pris en charge par les parents/tuteurs. Les langues le plus souvent proposées sont l’anglais, le français et l’allemand.
  • 17 pays/régions proposent un enseignement des langues R/M, essentiellement financé par l’État/la région. Dans certains pays, il y a un effectif minimum d’élèves à respecter pour ouvrir un groupe. L’Autriche, la Hongrie, l’Italie, la Roumanie et l’Ukraine sont les pays proposant le plus de langues R/M.
  • L’apprentissage des langues des migrants n’est pas encore très répandu dans l’enseignement pré-primaire. Cependant, malgré la difficulté à recruter des professeurs compétents et à identifier des soutiens d’apprentissage, trois pays (le Danemark, l’Espagne et la Suisse) aident les très jeunes enfants à conserver et à enrichir leur langue et leur culture d’origine. Au Danemark, ce sont des fonds nationaux, régionaux et locaux qui couvrent les coûts de ces programmes, tandis qu’en Espagne et en Suisse, ce sont des fonds en provenance des pays d’origine qui, par le biais d’accords bilatéraux, prennent partiellement en charge ces programmes.
  • Le seul pays proposant un apprentissage précoce de tous les types de langues est l’Espagne.

Les langues dans l’enseignement primaire

Pour en savoir plus

  • D’après l’UE et le Conseil de l’Europe, tous les enfants européens devraient apprendre deux langues en plus de la ou des langues nationales de leur pays de résidence. Dans l’enseignement primaire, à l’exception de l’Italie et de l’Ukraine, tous les pays/régions proposent aux nouveaux arrivants un soutien pour l’apprentissage de la langue nationale.
  • Pays de Galles mis à part, tous les pays/régions font état de dispositions en faveur des langues étrangères dans l’enseignement primaire. Au Danemark et en Grèce, il y a deux langues étrangères obligatoires, tandis que dans 18 pays/régions, il y a une langue étrangère obligatoire. En Angleterre, en Irlande du Nord et en Écosse, les langues étrangères sont facultatives.
  • Dans 12 des pays/régions, les langues étrangères sont enseignées des la première année d’enseignement primaire. Dans sept pays, elles le sont à mi-parcours de l’enseignement primaire, et aux Pays-Bas, en Ecosse et en Suisse, elles ne le sont qu’a la fin de l’enseignement primaire.
  • L’anglais, le français et l’allemand sont les langues étrangères le plus souvent enseignées. Dans de nombreux cas, l’une de ces langues est la matière obligatoire que tous les élèves doivent étudier. L’italien, le russe et l’espagnol figurent parmi les autres langues proposées dans le cadre de l’enseignement obligatoire ou facultatif.
  • L’enseignement d’une matière par l’intégration d’une langue étrangère (EMILE) n’est répandu pour les langues étrangères qu’en Espagne. Cette approche est aussi employée dans 13 autres pays/régions, mais pas systématiquement.
  • Sept pays/régions déclarent utiliser explicitement le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) pour l’apprentissage des langues étrangères, tandis que davantage de pays sont susceptibles d’ancrer leurs normes nationales sur les principes et approches du CECR. L’objectif du CECR en matière d’apprentissage des langues étrangères de ce groupe d’âge est le niveau A1/A2.
  • A l’exception du Danemark et de l’Estonie, les langues R/M sont enseignées dans 22 pays/régions. 20 pays/régions proposent des cours de langues R/M et des cours d’autres matières enseignées en langues R/M a tous les élèves, qu’ils soient ou non locuteurs de ces langues R/M, sauf la Bulgarie et la Grèce qui ciblent uniquement les élèves dont ces langues R/M sont la langue maternelle. L’offre est riche dans de nombreux pays/régions. L’Autriche, la Bulgarie, la Hongrie, l’Italie, la Lituanie, la Roumanie et l’Ukraine proposent un minimum de quatre langues R/M, soit en tant que matière, soit en tant que langue d’enseignement d’une autre matière. Douze pays/régions ont largement recours a l’EMILE, tandis que six autres pays indiquent y avoir recours dans certaines régions.
  • Seuls cinq pays/régions proposent des cours de langues des migrants au niveau primaire. Il s’agit de l’Autriche, du Danemark, de la France, de l’Espagne et de la Suisse (dans le canton de Zurich). En France et en Suisse, les cours de langues des migrants sont ouverts à tous les élèves, tandis qu’en Autriche, au Danemark et en Espagne, ils sont réservés aux élèves dont c’est la langue maternelle. La France, l’Espagne et la Suisse proposent ces cours en partie sur le temps scolaire, tandis que dans d’autres pays, ils font partie des activités extrascolaires. Le niveau de compétence requis dans les langues des migrants n’est pas défini par des critères nationaux, régionaux ou propres aux établissements, bien que la progression des compétences linguistiques soit néanmoins évaluée dans tous les pays. En Autriche et au Danemark, les cours de langues des migrants sont intégralement financés par l’Etat, tandis qu’en France, en Espagne et en Suisse, ils sont essentiellement pris en charge par le pays d’origine.
  • Dans l’enseignement primaire, 16 pays/régions sur 24 emploient des professeurs de langues qualifies pour enseigner la langue nationale ; 17 pays/régions sur 22 emploient des professeurs de langues qualifies pour enseigner les langues R/M ; 14 pays/régions sur 23 emploient des professeurs de langues qualifies pour enseigner les langues estrangères ; et deux pays/régions sur cinq emploient des professeurs de langues qualifies pour enseigner les langues des migrants. En Autriche, en Angleterre, en France, en Italie, aux Pays-Bas, en Irlande du Nord, en Ecosse et en Suisse, les langues étrangères sont enseignées par des enseignants généralistes. La formation initiale des enseignants et la formation continue sont très répandues dans la plupart des pays/régions, sauf en ce qui concerne les langues des migrants.
  • La mobilité des professeurs est clairement un aspect à améliorer dans l’enseignement des langues étrangères : neuf pays/régions sur 24 indiquent n’avoir aucun dispositif en vigueur dans ce domaine, et seule la Catalogne dispose de programmes structures de mobilité des professeurs. Il faut faire davantage pour encourager les professeurs de langues a effectuer des séjours dans le pays dont ils enseignent la langue, afin d’acquérir de meilleures compétences linguistiques et culturelles.
  • De nombreux pays/régions sont en train de prendre des mesures actives afin d’augmenter le nombre de professeurs de langues. Le Pays basque, le Danemark, l’Estonie et la Suisse recrutent des professeurs de langue nationale. La Bulgarie, le Danemark, l’Angleterre, la Frise, la Hongrie, la Lituanie et l’Ukraine recrutent des professeurs de langues étrangères. Le Pays basque, la Bosnie-Herzégovine, le Danemark, l’Irlande du Nord, l’Ecosse, l’Espagne et l’Ukraine recrutent des professeurs de langues R/M. Aucun des pays ne cherche activement a recruter des professeurs de langues des migrants. 

Les langues dans l’enseignement secondaire

Pour en savoir plus

  • Dans 21 pays/régions, les nouveaux arrivants bénéficient d’un soutien à l’apprentissage de la langue nationale, avant ou pendant la scolarisation. Le Danemark, l’Italie et l’Ukraine n’ont pas pris de dispositions de ce type.
  • Comme on pouvait s’y attendre, tous les pays/régions participants proposent des cours de langues étrangères à la fois dans le premier et le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Cependant des différences non négligeables sont à noter dans le nombre de langues obligatoires proposées, l’éventail des langues, l’évaluation des compétences linguistiques, l’usage de l’EMILE et l’application du CECR pour évaluer le niveau atteint.
  • Les seuls pays/régions à avoir rendu deux langues obligatoires à la fois dans le premier et le deuxième cycle de l’enseignement secondaire sont l’Autriche, l’Estonie, la France, la Pologne, le Portugal et la Roumanie et la Suisse.
  • Sans surprise, les établissements d’enseignement secondaire des régions/pays participants se réfèrent beaucoup plus aux objectifs d’apprentissage du CECR pour les langues étrangères que les écoles primaires. 13 d’entre eux indiquent d’ailleurs explicitement le niveau à atteindre. Le niveau B2 semble être le niveau généralement reconnu comme le niveau de maitrise de la première langue étrangère, tandis que B1 est le niveau retenu pour la deuxième langue étrangère.
  • 19 pays/régions proposent des langues R/M dans l’enseignement secondaire. Les pays/régions ne proposant pas de langues R/M dans l’enseignement secondaire sont le Danemark, l’Angleterre, l’Estonie, la Grèce et la Pologne. 18 pays/régions évaluent les compétences linguistiques acquises grâce a des tests nationaux/régionaux ou spécifiques aux établissements. Seule l’Italie n’évalue pas ces compétences. L’Autriche et le Pays de Galles ne fixent pas d’objectifs de niveau a atteindre, contrairement a tous les autres pays/régions. Tous les pays/régions enseignent gratuitement ces langues à tous les élèves.
  • Peu de pays/régions proposent systématiquement des cours de langues des migrants (trois au niveau pré-primaire et cinq au niveau primaire), et dans l’enseignement secondaire, huit pays/régions sur 24 ont répondu positivement. Il s’agit de l’Autriche, du Danemark, de l’Angleterre, de l’Estonie, de la France, des Pays-Bas, de l’Ecosse et de la Suisse.
  • Les langues des migrants peuvent être intégralement financées par l’Etat en Autriche, au Danemark, en Angleterre, au Pays-Bas et en Ecosse. En France et en Suisse, l’apprentissage des langues des migrants est financé par les pays d’origine des élèves migrants. En Estonie, ce sont les parents/tuteurs qui assument les coûts. Les seuls pays/ régions proposant des langues des migrants à la fois dans l’enseignement primaire et secondaire sont l’Autriche, le Danemark, la France et la Suisse.
  • Les langues étrangères le plus souvent enseignées sont l’anglais, l’allemand et le français, bien que d’autres langues européennes telles que l’espagnol et l’italien soient aussi proposées. Certaines langues des migrants telles que l’arabe, le croate, le polonais, le russe et le turc sont proposées en tant que langues étrangères facultatives, et l’arabe et le turc constituent officiellement des matières d’examen dans l’enseignement secondaire en France et aux Pays-Bas. Le russe est largement propose dans les pays d’Europe de l’est, soit comme langue R/M soit comme langue étrangère.
  • Comme dans l’enseignement primaire, l’EMILE est répandu en secondaire dans l’enseignement des langues R/M, mais beaucoup moins dans l’enseignement des langues étrangères. Seule la France emploie beaucoup cette approche. 14 autres pays/régions indiquent des exemples locaux.
  • Les professeurs de langues étrangères sont des professeurs spécialisés. Il n’y a qu’en Estonie et en Irlande du Nord que les professeurs généralistes enseignent aussi les langues étrangères.
  • La mobilité des professeurs est un peu plus pratiquée dans l’enseignement secondaire que dans l’enseignement primaire. L’Autriche et la Catalogne indiquent que les professeurs passent un semestre a l’étranger dans le cadre de leur formation initiale ou de leur formation continue. 17 autres pays encouragent et favorisent financièrement la mobilité des professeurs. Il ressort que l’Estonie, la France, l’Italie, le Portugal et la Roumanie sont des pays dans lesquels les professeurs sont moins susceptibles d’effectuer un séjour dans un pays dont ils enseignent la langue.
  • Conformément aux recommandations de l’UE et du Conseil de l’Europe, dans la plupart des pays, les professeurs de langues étrangères doivent avoir atteint un certain niveau de maîtrise de la langue étrangère, maîtrise qui est évaluée a l’aide des niveaux du CECR dans huit pays/régions. Le niveau C1 semble être le niveau généralement requis, bien que dans le Pays Basque, B2 soit considéré comme suffisant.
  • Certains pays/régions souffrent d’un manque de professeurs de langues, et certaines mesures spécifiques ont été prises afin de recruter des professionnels dotés des qualifications adéquates et d’encourager les étudiants a suivre des etudes de professeur de langues. Les pays/régions les plus actifs dans le recrutement des professeurs sont l’Ecosse, le Pays basque, l’Angleterre, la Roumanie et la Suisse, qui sont tous en train de recruter des professeurs dans au moins trois des quatre catégories de langues.

Les langues dans l’enseignement professionnel et supérieur

Pour en savoir plus

  • Notre étude a permis de recueillir de nouvelles données primaires directement auprès des 69 plus grands centres d’enseignement et de formation professionnels de nos 67 villes participantes : la langue nationale est bien prise en charge, 30 centres d’enseignement et formation professionnels sur les 69 interrogés proposent en effet un large éventail de programmes de soutien en langue nationale, du niveau débutant au niveau perfectionnement. 24 centres proposent une offre limitée de programmes, tandis que 15 autres ne proposent aucun soutien.
  • Sur les 69 centres interrogés, 62 proposent des langues étrangères, dont 15 enseignent plus de quatre langues, 22 proposent trois a quatre langues et 25 n’enseignent qu’une à deux langues. 41 centres proposent une grande variété de programmes, du niveau débutant au perfectionnement, tandis que 18 centres s’adressent uniquement aux débutants. 26 centres alignent leurs programmes sur le CECR.
  • 25 centres proposent des langues R/M, 13 d’entre eux prenant intégralement en charge les frais y afférant. Les pays/régions proposant des cours de langue R/M dans les centres d’enseignement et formation professionnels sont le Pays basque, la Catalogne, la Hongrie, l’Irlande du Nord et le Pays de Galles. Seuls quatre centres proposent l’enseignement des langues des migrants : un en Autriche, un en Angleterre, un en Italie et un au Pays de Galles.
  • Sans surprise, l’anglais, le français, l’allemand et l’espagnol sont les principales langues étrangères enseignées. Le russe est parfois enseigne en tant que langue R/M dans certains pays/régions et en tant que langue étrangère dans d’autres. L’arabe est aussi propose dans plusieurs centres d’enseignement et formation professionnels. Les pays comptant plus d’une langue officielle sont aussi ceux dont l’offre de langues R/M est la plus riche.
  • Notre étude a permis de recueillir de nouvelles données/des données primaires dans 65 universités publiques générales dans tous les pays/régions. Comme on pouvait s’y attendre, toutes les universités européennes des villes participantes dispensent un enseignement dans la langue nationale car, dans la plupart des cas, il s’agit de la langue principale de leurs étudiants et aussi de la langue officielle de l’Etat. Cependant, dans la majorité des établissements interroges, d’autres langues sont également employées.
  • La mobilité internationale des étudiants et du personnel ainsi que l’envie d’attirer des étudiants internationaux et d’horizons divers semblent avoir fait de l’anglais la deuxième langue de nombreuses universités européennes. De nombreux manuels sont d’ailleurs aussi rédigés en anglais.
  • Une très grande proportion d’universités propose des cours de langue aux étudiants de filières autres que la filière langues, conformément aux recommandations des institutions européennes. L’offre est étendue, puisque 31 établissements (soit près de la moitié) proposent à leurs étudiants plus de quatre langues. Sur l’ensemble des établissements interroges, seules huit universités ne proposent pas de cours de langues aux étudiants de filières autres que la filière langues. Le taux de suivi de ces cours de langue sortait du cadre de cette étude.
  • La quasi-totalité des universités font des efforts cibles pour attirer des étudiants internationaux. La moitie des universités s’efforce aussi d’attirer des étudiants issus de l’immigration.
  • Le cout de la mobilité des étudiants est pris en charge par les universités européennes, mais seules dix des universités interrogées rendent la mobilité obligatoire pour les étudiants en langues.

 

 

Les langues dans les médias audiovisuels et la presse

Pour en savoir plus

  • Pour explorer la diversité des langues dans les medias, nous avons demandé à nos chercheurs de relever les langues proposées pendant une semaine sur les chaines de radio et de télévision nationales, en se basant sur la programmation donnée par les principaux journaux des villes participantes. La plupart des pays/régions proposent des programmes de radio et de télévision diffusés dans d’autres langues que la langue nationale. La Catalogne propose des programmes télévisés dans une riche variété de langues étrangères, R/M et des migrants. La Hongrie et l’Italie diffusent des programmes radiophoniques dans plus de dix langues.
  • En termes de doublage et de sous-titrage, les conclusions de l’étude LRE sont semblables à celles d’études antérieures: environ la moitié des pays/régions a recours au doublage, tandis que l’autre moitié emploie le sous-titrage. Les pays/régions dans lesquels les programmes télévisés et les films sur grand écran sont doubles sont l’Autriche, la Catalogne, la Hongrie, l’Italie, l’Irlande du Nord, la Pologne, l’Espagne et la Suisse. Les pays/régions dans lesquels les programmes télévisés et les films sur grand écran sont sous-titres sont l’Angleterre, la Bosnie- Herzégovine, le Danemark, l’Ecosse, l’Estonie, la Frise, la Grèce, le Pays de Galles, le Portugal, la Roumanie et la Suisse. Dans les autres pays/régions, il y a une approche mixte, c’est à dire que selon le support de diffusion, les programmes sont soit sous-titres, soit doubles.
  • En ce qui concerne la disponibilité des journaux dans les grands kiosques et les gares des villes participantes dans chaque pays/région, tous nos chercheurs se sont rendus dans ces kiosques et ces gares et ont dressé la liste des journaux disponibles dans les différentes langues, en suivant la méthodologie d’analyse du panorama linguistique pour offrir un aperçu en un lieu donné à un moment donné. Dans l’ensemble, les journaux en anglais sont les plus répandus, suivis par les journaux allemands, français, russes et italiens. Les journaux arabes et turcs sont également bien représentés.

 

 

Les langues dans les services et espaces publics

Pour en savoir plus

  • Notre étude s’est penchée sur les politiques et stratégies au niveau des villes, ainsi que sur le nombre de langues dans lesquelles les services publics sont proposes. De plus, des représentants municipaux ont indiqué les langues disponibles dans les faits, pour les communications écrites et orales dans l’éducation, les services d’urgence, la sante, les services sociaux, les services juridiques, l’immigration et le tourisme, ainsi que dans la programmation des théâtres.
  • En tout, l’enquête a porté sur 63 villes. Dans chaque pays,ont été sélectionnées au moins la capitale, la deuxième ville la plus grande du pays et une ville dans laquelle se pratique une langue régionale. D’après les rapports des chercheurs, si l’on combine les résultats de toutes ces villes, elles proposent des services en 140 langues différentes de leur langue nationale.
  • Environ un tiers des villes participantes disposent d’une stratégie institutionnalisée et très suivie destinée à promouvoir le multilinguisme, et la moitie des villes ont une offre de services multilingues très étendue. Sur les 63 villes participantes, seules 10 ne proposent pas de services multilingues. La politique de 23 villes implique que les compétences linguistiques doivent figurer dans les descriptions de poste de leurs employés, et 18 villes forment leur personnel aux langues étrangères. D’après les données, les cinq villes ayant les politiques les plus développées sont, dans l’ordre, Vienne, Barcelone, Londres, Milan et Cracovie.
  • Les secteurs ou le multilinguisme est le plus pratique sont le tourisme, l’immigration et l’intégration, les services juridiques (communication orale) et le transport (communication écrite). Les services de santé sont aussi fréquemment proposés dans plusieurs langues. La culture (théâtre) et la politique (débats/décisions) sont les domaines dans lesquels le multilinguisme est le moins répandu. L’éducation n’est pas non plus aussi bien placée qu’on pourrait le croire, étant donné le grand nombre d’élèves/d’étudiants (ainsi que leurs parents) scolarises en Europe et ne maitrisant pas bien la langue officielle du pays dans lequel ils étudient.
  • 17 villes proposent la plupart des services cités ci-dessus dans plus de quatre langues, et 23 villes les proposent dans trois a quatre langues. Les villes dans lesquelles le plus de services de communication orale sont déclinés dans un maximum de langues sont, dans l’ordre, Londres, Aberdeen, Glasgow, Madrid, Valence, Zurich, Milan, Belfast, Barcelone et Lugano.
  • Un plus petit nombre de villes ont répondu aussi positivement pour les services de communication par écrit : seules six d’entre elles offrent la plupart des services dans plus de quatre langues, et 27 dans 3 a 4 langues. Cela voudrait dire qu’aux yeux des municipalités, il est moins important de fournir des documents multilingues que de fournir des services instantanés d’interprétariat et de médiation par oral.
  • Pour les services oraux et écrits dans toutes les villes sondées, c’est l’anglais qui est la langue la plus disponible en plus de la langue nationale, suivie de l’allemand, du russe, du français et de l’espagnol. Le chinois et l’arabe sont aussi en train de devenir une priorité et sont proposées par de nombreuses villes. Le gallois, le catalan et le basque sont très répandus dans les services publics des régions concernées. Les conclusions de l’étude sur les langues les plus répandues dans les services publics sont très proches de celles de l’étude sur les langues des journaux.
  • On peut en déduire qu’il y a trois types de groupes cible pour les services de communication orale et écrite dans les services et espaces publics : a) les voyageurs internationaux, les personnes en déplacement professionnel et les touristes ; b) les communautés de migrants ; et c) les locuteurs et lecteurs de langues R/M.
  • Sur la plupart des sites web des villes, c’est l’anglais qui est la langue principale juste après la langue nationale. L’allemand et le français sont aussi très répandus parmi les villes participantes. Parmi les deuxièmes plus grandes villes des pays, certaines disposent de sites web plus multilingues que ceux des capitales, dans le même contexte national. Par exemple, alors que Rome ne propose des informations qu’en italien et en anglais, la ville industrielle de Milan traduit ses informations en huit langues différentes en plus de l’italien. On observe le même phénomène en Pologne entre Cracovie et Varsovie. Dans les villes de province sondées, l’anglais est encore la langue la plus utilisée sur les sites web des villes, après les langues nationales.

Les langues dans les entreprises

Pour en savoir plus

  • LRE a mis au point une enquête destinée à explorer les stratégies linguistiques des entreprises afin de savoir si elles attachent de l’importance a la formation linguistique de leurs employés et encouragent ce type de formation, mais aussi pour identifier les différentes langues employées pour communiquer avec les clients et promouvoir les produits. Les critères de recherche se divisent en trois catégories : stratégies linguistiques générales des entreprises, stratégies linguistiques internes et stratégies linguistiques externes.
  • Les données ont été recueillies apures d’une sélection d’entreprises implantées dans les villes de tous les pays/ régions. En tout, 484 entreprises ont été interrogées. Quatre secteurs d’activité ont été ciblés (banques, hôtels, BTP et supermarchés). Dans l’ensemble, ces quatre secteurs étaient représentés de façon équilibrée malgré une certaine supériorité numérique des hôtels.
  • Dans le domaine des stratégies linguistiques générales, un quart des entreprises interrogées ont mis en place une stratégie linguistique explicite et plus de la moitie d’entre elles prennent les compétences linguistiques en compte lorsqu’elles recrutent. Un quart des entreprises encouragent la mobilité de leurs employés dans le but de faire progresser les compétences linguistiques et les connaissances interculturelles. Cependant, 70 % ne tiennent pas un registre des compétences linguistiques de leurs employés, et très peu tirent parti des programmes de l’UE pour l’apprentissage des langues.
  • 27 % des entreprises interrogées mettent en place des formations a l’anglais des affaires. 14 % proposent un soutien en langue nationale aux personnes dont ce n’est pas la langue maternelle, et 12% proposent un soutien linguistique en d’autres langues. Un pourcentage relativement faible des entreprises a mis en place des dispositifs incitatifs de récompense ou de promotion pour l’apprentissage des langues : 11 % pour l’anglais des affaires et seulement 5 % pour la langue nationale ou d’autres langues. Le nombre d’entreprises nouant des partenariats avec le secteur de l’éducation pour faire progresser les compétences linguistiques de leurs employés n’est pas non plus élevé : un quart d’entre elles pratiquent régulièrement ce genre de partenariat pour l’anglais, 17 % pour la langue nationale pour les personnes dont ce n’est pas la langue maternelle et 14 % pour les autres langues.
  • Dans les secteurs objet de l’enquête, un tout petit peu moins de la moitié des entreprises ont fréquemment recours à l’anglais des affaires en plus de la langue nationale dans les communications externes. Rien moins que 30 % des entreprises interrogées emploient sur leur site web d’autres langues en plus de l’anglais et de leur langue nationale.
  • L’allemand, le russe, le français et l’espagnol sont les langues les plus utilisées par les entreprises interrogées, ce qui reflète le fort marché interne en Europe. La grande fréquence du catalan, du basque et du galicien traduit l’importance de ces langues en Espagne, et la forte présence du gallois reflète la place de choix qu’il occupe au Pays de Galles. Le chinois, le japonais, l’arabe et le turc sont aussi des langues que certaines des entreprises interrogées considèrent comme importantes et encouragent. On aurait cependant pu s’attendre a ce que les entreprises interrogées placent ces langues plus haut dans leurs priorités.

Conclusions

Pour en savoir plus

Les résultats comparatifs présentés plus haut mettent en lumière certaines tendances intéressantes dans les politiques et les pratiques en faveur du multi/plurilinguisme dans le contexte européen. Tandis que certains pays/régions disposent de politiques et pratiques extrêmement développées dans certains domaines précis, d’autres pays/régions doivent encore progresser s’ils veulent davantage s’harmoniser avec les recommandations européennes et créer une société plus riche en langues. Parmi tous les domaines linguistiques sur lesquels ont porté nos recherches, c’est dans l’enseignement primaire et secondaire que l’on fait le plus d’efforts pour promouvoir le multi/plurilinguisme. Cependant, dans l’apprentissage précoce des langues ainsi que dans le secteur de l’enseignement professionnel et supérieur, dans les medias, les services publics et les entreprises, les résultats de notre étude LRE suggèrent que l’engagement officiellement pris par les pays/régions européens pour soutenir le multi/plurilinguisme reste encore à être converti en plans d’actions et en pratiques au niveau local et institutionnel.

Parmi toutes les variétés de langues sur lesquelles ont porte cette étude, les langues des migrants sont les moins reconnues, protégées et/ou favorisées, malgré toute l’action affirmative au niveau européen. Si l’on accordait plus d’attention aux langues autres que les langues nationales, les villes et les entreprises européennes pourraient jouer un rôle clé en termes d’inclusion sociale dans le contexte du renforcement de la mobilité et des migrations en Europe.

Nous estimons que les conclusions présentées ici nous permettent d’aller plus loin dans nos connaissances en matière de politiques et pratiques linguistiques en Europe, et ce pour trois raisons majeures : (i) le grand nombre de pays ou de régions européens participants, (ii) le large éventail des variétés de langues prises en compte parmi la multitude des langues parlées en Europe, (iii) la portée des domaines linguistiques retenus, dans l’éducation mais aussi au-delà, (iv) la publication et la diffusion des résultats de cette étude en 23 langues (en plus de l’anglais). La portée et l’ampleur de l’enquête LRE, concrètement 260 questions posées dans 24 pays/régions, ce qui équivaut a un total de 6 240 réponses relevées et analysées (moins certaines données pour la Frise uniquement), ce qui a permis d’élaborer une imposante base de données sur de nombreuses politiques et pratiques linguistiques dans le secteur de l’éducation et au-delà.

Comme nous l’avons mentionné dans l’introduction du premier chapitre de cette publication, les indicateurs préliminaires définis dans le cadre du projet LRE se veulent un outil destine à aider les pays et régions à s’auto-évaluer par rapport aux documents de l’UE et du Conseil de l’Europe sur le multilinguisme et le plurilinguisme. Nous souhaitons que cela serve  à sensibiliser a la fois le public et les sphères politiques supérieures – décideurs de politiques linguistiques a l’échelon régional, national et européen – et inciter les parties prenantes de divers secteurs, langues et pays/régions à prendre des mesures concrètes.

Toute proposition concernant d’autres indicateurs et toutes réactions constructives à nos conclusions sont les bienvenues.

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